Enfant, j'ai fait de nombreux séjours à Saint Nazaire où habitait ma grand-mère Céleste. Séjours soit seul pour des vacances, soit en famille pour des week-end ou vacances. Nous y avions un pieds à terre avec le logement dont mon père avait hérité (dit maison de tontaine), la partie droite de la maison familiale habitée par ma grand-mère.
J'aimais bien passer ces vacances à la campagne, je découvrais une vie qui n'avait rien à voir avec celle de Châteauroux. Je nourissais les poules et les lapins. A propos de lapin quand mon père en tuait un pour le repas dominical, il nous en donnait la peau que nous revendions à Châteauroux à un marginal qui sillonait les rues en en faisant commerce. Avec ces quelques pièces nous allions acheter quelques bonbons à la boulangerie du coin.
Revenons à Saint Nazaire où nous allions chercher l'eau au puits. Le raccordement à l'eau courante s'est fait attendre jusqu'au milieu des années 50. Pour le cochon, ma grand-mère faisait cuire des pommes de terre dans un grand chaudron pendu à une crémaillère dans la cheminée. Nous allions acheter des fromages frais chez la voisine qui élevait quelques chèvres. J'ai aussi le souvenir d'un délicieux riz au lait chocolaté que me préparait ma grand--mère.
Ma tante Solange habitait à 200 mètres de là et je jouais souvent avec mon cousin germain du même âge. C'est lui qui m'apprit à monter à bicyclette: je prenais appui sur la margelle du puits pour monter en selle avant de m'élancer. Il m'apprenait également à fabriquer des frondes pour chasser les oiseaux. A la saison nous ratissions toutes les "bouchures" (haies formées de différentes espèces de végétaux) pour déguster les mures et les noisettes. Dans la cour de la maison, il y avait un très gros tilleul dans lequel nous grimpions et construisions des cabanes. Au programme il y avait aussi la pêche aux écrevisses dans le Brion qui coulait en contre-bas. En parlant du Brion, c'est là que ma grand-mère allait rincer ses lessives empilées dans une brouette. La côte était dure à remonter quand la brouette était pleine de draps mouillés. Pour le repassage, elle utilisait des fers en fonte chauffés sur le coin de la cuisinière à bois.
Les vacances étaient aussi synonymes de moisson. Les moissoneuses bateuses n'étaient pas encore démocratisées. Il y avait donc une phase "moissoneuse" où une machine coupait les épis. Ceux-ci étaient collectés manuellement sur des charettes sous forme de gerbes et ramenés à la ferme. Là il y avait la deuxième phase avec une "bateuse" dont le mécanisme était entrainé avec une grande courroie par le moteur d'un tracteur. Il fallait alimenter la machine manuellement avec les gerbes d'épis. D'un côté sortaient les bottes de paille dont on formait de grand tas "à la fourche" dans la grange. De l'autre sortait le grain remplissant les sacs. Ces sacs de 50 kg étaient montés, à dos d'homme, dans le grenier par une échelle en bois
Il y avait donc besoin de beaucoup de main d'oeuvre pour ces moissons, mais la solidarité paysanne faisait que tout le voisinage s' y mettait. Le soir c'était le repas de fête pour tous, sur une longue table installée dans la cour de la ferme, avec bien sûr les produits de la ferme: poulet, lapins, jambon, paté de porc, etc..
Au premiers grands froids on tuait le cochon. Cette opération nécessitait la présense d'un spécialiste en boucherie charcuterie, que l'on rétribuait généralement en nature. Il fallait également pas mal de main d'oeuvre "recrutée" dans la famille. Main d'oeuvre pour l'aide au dépeçage, la préparation des jambons, la réalisation des boudins, la préparation et la stérilisation des patés etc..
Cela se terminait bien évidemment dans la bonne humeur par un repas familial amélioré.
Mon oncle Georges (mari de Solange) possédait une vigne dans le bourg d'Oulches et mon père une autre vigne à Laveau, route de Rivarennes. Les familles se regroupaient pour faire ensemble les vendanges et tout le monde participait, y compris les enfants. Pour la vendange la plus ancienne dont je me souvienne, le moyen de transport des vendangeurs et des barriques était encore la voiture à cheval. A la fin de la dure journée c'était un grand repas familial de fête.
Ces vacances et activités de campagne avaient pour moi, enfant citadin, comme un parfum d'aventure et m'aide à mieux comprendre aujourd'hui, ce que fut la vie dans les campagnes à cette époque